Créances publiques : attention à l'effet boomerang...

Publié le par Créer et développer une société au Maroc

L'Economiste 
20.01.2012

Notaires, banquiers, liquidateurs… redevables au Trésor

Ils sont juridiquement solidaires avec les contribuables-débiteurs

Pas de remise de fonds sans payement préalable des taxes et impôts

        

LE recouvrement des créances publiques va crescendo ces temps-ci. Le témoignage de plusieurs particuliers et entreprises, qui ont vu leurs comptes ponctionnés, laisse deviner que l’Etat cherche à boucher les trous de son déficit budgétaire. La démarche n’a rien de contestable dans la mesure où elle est prévue par la loi à travers le recouvrement forcé.

Si vous êtes redevables d’une créance publique (taxes, impôts…), il y a donc de fortes chances que la Direction générale des impôts (DGI) ou le Trésor public soient à vos trousses. «Depuis 2007, ces deux institutions -qui relèvent du ministère des Finances- se chargent de récupérer les dus de l’Etat. Il existe plusieurs actions graduelles à commencer par un commandement, des mesures conservatoires, une vente, la contrainte par corps…», explique Oum Keltoum Zaoui, chef de service contentieux à la Trésorerie générale du Royaume (TGR).

Le législateur consacre ses moyens via la loi 15-97 portant code de recouvrement des créances publiques. Il est vrai qu’un contribuable a toujours la possibilité d’honorer amiablement sa dette vis-à-vis de l’Etat. La réforme de mai 2000 -entrée en vigueur en septembre de la même année- a d’ailleurs misé sur la voie non contentieuse. Comment? «Par l’aménagement des taux de majoration de retard en optant pour un taux unique de 10% pour les impôts et les taxes ou encore l’institution d’une majoration de 6% l’an pour les autres créances publiques», selon une note de présentation de la Trésorerie générale du Royaume (TGR).

Des mesures qui visaient à «améliorer les rentrées fiscales durant la phase amiable et réduire par conséquent le recours aux procédures de recouvrement forcé».

Ces dernières s’imposent dès lors qu’un contribuable ne s’est pas acquitté de ses créances dans les délais fixés. Une procédure de recouvrement forcé obéit à des conditions. Et qui se veulent, selon l’esprit de la loi 15-97, comme une «des garanties offertes aux contribuables».

L’article 36 est un exemple: «le recouvrement forcé ne peut être engagé qu’après l’envoi d’un dernier avis sans frais au redevable…». Il porte aussi sur «l’ensemble des sommes exigibles dues par un même débiteur», poursuit l’article 38. La procédure est graduelle: injonction à payer, saisie, vente…

Un recouvrement forcé peut cibler des biens en particulier tels que la saisie et ventes des navires, des immeubles, des fonds de commerce, voire des mesures d’exécution sur les véhicules automobiles. Un contribuable débiteur a tout intérêt à ne pas organiser son insolvabilité: donation, vente déguisée.


Car l’une des nouveautés du code de recouvrement des créances publiques a été de qualifier un tel acte de «délit pénal». Le comptable chargé du recouvrement a donc toute la latitude d’agir sur les biens objets de la manoeuvre et peut même saisir le juge pénal.

La loi ouvre une toute autre voie pour le Trésor public en instaurant des obligations aux dépositaires et tiers détenteurs. Il s’agit des liquidateurs judiciaires, notaires, séquestres, avocats, huissiers de justice, liquidateurs de sociétés dissoutes… Ces professionnels du droit «ne peuvent remettre les fonds qu’ils détiennent aux héritiers, créanciers et autres personnes ayant droit (…) qu’après justification du paiement des impôts et taxes…». C’est l’effet boomerang lorsqu’ils ne se plient pas à l’article 100 du code de recouvrement des créances publiques. Autrement dit, ils seront tenus de verser les sommes dues au Trésor public à la place et au lieu du débiteur initial. Alors même que le comptable chargé du recouvrement n’aurait fait aucune demande. C’est dire que ces dépositaires sont soumis à une obligation de résultat.

Les comptables publics autant que les locataires, gérants ou administrateurs de sociétés sont également tenus par l’article 100. L’avis à tiers détenteur permet en effet à la Trésorerie générale de leur demander de verser les fonds qu’ils détiennent…

Il a pour effet «l’attribution immédiate des sommes détenues» par les tiers détenteurs.

Contrairement à un contribuable débiteur, les dépositaires (notaires, liquidateurs…) et les tiers détenteurs (directeurs de société, comptables publics…) ne peuvent faire l’objet d’une contrainte par corps.


 

L’énigmatique article 100


Dès sa publication au Bulletin officiel le 1er juin 2000, le code de recouvrement des créances publiques a suscité un vif débat. Son article 100 en particulier consacre un principe de solidarité des dépositaires et tiers détenteurs vis-à-vis de leurs clients redevables au Trésor public. Les notaires et les banquiers sont parmi les professions ayant soulevé des interrogations sur la teneur exacte de cette disposition. «Le Groupement professionnel des banques du Maroc avait même saisi la Trésorerie générale pour lui expliquer la portée de l’article 100. Celle-ci avait précisé que cette disposition ne s’appliquait qu’aux liquidations et aux successions et ne concerne nullement les comptes courants de leurs clients», témoigne l’un des ex-présidents de la Chambre nationale du notariat moderne du Maroc. Cette interprétation n’a pas fait long feu. Une lecture pointilleuse pousse à déduire que l’article 100 a une portée générale dans la mesure où il vise «héritiers, créanciers et toutes personnes ayant droit de recevoir les sommes séquestrées ou déposées…». La TGR a créé en 2008 l’Unité centrale de recouvrement. Elle se focalise sur les actions les plus importantes de l’avis à tiers détenteur. Une sorte d’industrialisation de l’action en recouvrement des créances publiques: traitement informatique, demande de renseignement sur les redevables, centralisation de la procédure de traitement… Cette unité centrale de recouvrement sert ainsi d’intermédiaire entre les comptables chargés de recouvrement et les banques…
 
Faiçal FAQUIHI



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