Ouverture de l’année judiciaire aujourd’hui

Publié le par Créer et développer une société au Maroc

L'Economiste  
24.01.2012

Bilan jurisprudentiel pour la Cour de cassation
Pourquoi 2012 s’annonce décisive pour la justice
Les magistrats attendent leur nouveau statut
 
Audience solennelle à la Cour de cassation. L’ambiance chez les juges, en ce mardi 24 janvier à Rabat, devrait rappeler un peu celle de «la rentrée scolaire». Mustapha Fares, premier président de la plus haute juridiction du Royaume, n’hésite pas à faire le parallèle: «la rentrée judiciaire se tient annuellement chaque janvier. Le choix d’un jour précis dépend de l’agenda que se fixe la Cour de cassation». Cette tradition a été déterrée il y a à peine un an. Pourquoi a-t-elle été tombée dans les oubliettes? Difficile de le savoir. L’essentiel est que 2011 est l’année où l’ex-procureur général de la Cour d’appel de commerce de Casablanca a été nommé pour chapeauter la Cour de cassation. Fares a donc redonné vie à ce rendez-vous pour «en faire à la fois un moment de contemplation et de bilan». La Cour de cassation vient de publier son rapport d’activité 2010. En guise d’introduction, le premier président souligne «l’étape historique» que vit la justice dans la mesure où elle devient un «pouvoir indépendant». Le haut magistrat s’engage à «unifier la jurisprudence et à porter les droits humains universellement admis». C’est la mission première de la Cour de cassation. Sa chambre pénale -il y en a six au total- a jugé plus de 21.900 affaires. Impressionnant si l’on se fie aux statistiques les plus récentes du ministère de la Justice et des Libertés: un tribunal traite en moyenne 10.000 dossiers par an.

L’on espère par ailleurs que l’universalisme prôné par la Cour de cassation va rompre avec une vision étriquée et conservatrice du droit? Ses propositions d’amendement de lois laissent espérer.

Sur le plan des réformes, l’année judiciaire 2011 a été un millésime d’exception.

La Cour suprême, créée en 1957, s’est muée en Cour de cassation (cf. L’Economiste du 5 octobre 2011). Ce changement de dénomination n’a pas bouleversé ses prérogatives: statuer en dernier ressort suite à un pourvoi en cassation, trancher un conflit de compétence juridictionnelle… Cette mutation est une des conséquences directes de la nouvelle Constitution. La loi fondamentale consacre tout un titre au «Pouvoir judiciaire». Son article 113 crée le Conseil supérieur du pouvoir judiciaire à la place du Conseil supérieur de la magistrature. Il en chamboulera en revanche l’architecture. La présidence déléguée passe du ministre de la Justice au 1er président de la Cour de cassation, accès de nouveaux membres tels que le médiateur…

Dans la foulée, l’ex-ministre de la Justice, Mohamed Taïb Naciri, a adopté une nouvelle réorganisation judiciaire incluant des juridictions de proximité, des juges financiers, modifié l’organigramme de son ministère, introduit de grands amendements à la procédure pénale et civile, au code du commerce…

Ce sont-là quelques échantillons de la plus grande réforme judiciaire et juridique jamais entamée depuis l’instauration du Protectorat au début du XXe siècle.

Que reste-t-il à faire en 2012? Les attentes des 3.700 juges sont immenses. Yassine Moukhli, président du Club des magistrats du Maroc, revendique d’abord une revalorisation de salaires. Un juge touche 8.000 DH en début de carrière et 30.000 DH à la fin. Tout en qualifiant de «positive» la déclaration gouvernementale, le jeune juge regrette qu’elle «n’ait fait aucune mention à la situation financière de la profession».

La formation dispensée, y compris continue, «n’est pas à la hauteur de la réforme projetée. Certains magistrats n’ont pas de bureaux, ont des conditions de travail lamentables…», poursuit le président de cette jeune association professionnelle. Le Club des magistrats du Maroc se demande pourquoi l’ordre du jour, les travaux (nomination, promotion, sanction…) du Conseil supérieur du pouvoir judiciaire ne sont pas publiés sur le Net?

Pour 2012, son président fait vœu de «plus de transparence» et attend de pied ferme le futur statut des magistrats qui, fait nouveau, sera consacré par une loi organique. Sur ce dossier, le nouveau ministre de la Justice et des Libertés, Me Mustapha Ramid, est également appelé à interagir avec la société civile. Me Abdelaziz Nouidi, fondateur de Adala (justice), entame avec «optimisme» la nouvelle année judiciaire. Son association a publié en 2009 aux côtés d’autres ONG un mémorandum pour la réforme de la justice. Me Nouidi reconnaît qu’il «existe aujourd’hui une plateforme solide pour poursuivre la réforme». A part le statut des magistrats, il fait référence à l’avènement d’un nouveau ministre «ayant une expertise juridique et législative et un passé de militant des droits de l’homme…». Reste à les traduire par des actes concrets. Car la réforme de la justice n’est qu’à ses débuts.

Après les grands discours politiques, il y a eu un premier jet technique. Les professionnels du droit ont intérêt à être dans l’air du temps. Sinon, ils seront hors jeu.

Et c’est valable pour le justiciable aussi qui dispose désormais d’une loi qui le protège pour dénoncer la corruption.




Cour de Cassation 2010

La Cour de cassation a jugé 10.305 affaires en 2010. Sa chambre pénale se taille la part du lion. Elle ne tranche que sur des questions de droit ou d’application du droit, elle ne juge pas les faits



 Faiçal FAQUIHI
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